1946

Hôpital Charles Camsell 

En 1946, l’immeuble qui abrite l’ancien collège jésuite et l’ancienne base militaire américaine devient l’hôpital fédéral pour les Indiens d’Edmonton. Cet hôpital appartient à un soi-disant réseau « d’hôpitaux pour les Indiens », des établissements sous-financés, qui font partie intégrante du système colonial. En effet, ils fournissent des soins médicaux tout en ségréguant les peuples autochtones.

Les taux d’infection respiratoires sont élevés au Canada tout au long de la première moitié du 20e siècle. Le traitement antibiotique contre la tuberculose n’est pas une pratique courante avant 1950. Le protocole médical normalisé consiste à éloigner les gens de leur milieu de vie et à les mettre dans des hôpitaux jusqu’à ce que leurs symptômes s’améliorent. Le Canada est parsemé de préventoriums, dont deux « préventoriums fédéraux pour les Indiens », ségréguant ainsi les patients autochtones du reste de la population. Un de ces établissements se trouve à Hamilton, en Ontario et l’autre à Edmonton, que l’on nomme d’après un géologue éminent des Territoires du Nord-Ouest, Charles Camsell.

Pour transporter les gens malades à l’hôpital Charles Camsell, on utilise l’avion et le navire fédéral de ravitaillement de l’Arctique, le CGS C.D. Howe. Pendant son existence, l’hôpital Charles Camsell accueille des milliers d’Autochtones des TNO et de l’ouest du Nunavut, dont des enfants, déterminés comme tuberculeux.

De nombreux Autochtones du Nord et Inuits ne reviennent jamais à la maison. Les familles n’ont souvent aucune idée de ce qui est advenu de leur proche; aucun document ou aucune tombe marquée. Comme on comprend mal leurs noms et leurs langues, certaines personnes, dont des enfants, sont renvoyées dans les mauvaises collectivités. Pour obtenir des soins, les enfants sont envoyés dans le sud seuls et sans accompagnateur, et les familles ne reçoivent que peu d’information sur leur bien-être. Certains enfants autochtones sont maltraités, séparés de leur famille pendant plusieurs années, ou subissent des traitements expérimentaux qui les rendent invalides. D’autres personnes se souviennent de cette période comme d’un temps de guérison.

Les personnes restent loin de chez eux parfois pendant des années. Abe Okpik se rappelle : « La première fois que j’y suis descendu, on m’a gardé à l’hôpital Misericordia pendant un an; ensuite, en 1946, on m’a transféré à l’hôpital Charles Camsell. Je suis revenu à la maison en août 1948. J’y ai donc passé trois ans; 36 mois précisément. Je suis rentré à la maison en automne, à la fin août. Le sol était déjà recouvert de neige. Mon père était décédé entre-temps et ma mère vivait avec sa fille ».

Les traitements contre la tuberculose sont compliqués; il est cliniquement impossible d’offrir des soins médicaux dans le Nord, et le taux de décès est élevé chez les patients. La tuberculose existe depuis longtemps avant que les malades ne soient évacués. On demande rarement le consentement et on offre rarement du soutien aux patients et à leur famille. Le séjour à l’hôpital de nombreux Autochtones est prolongé, car l’on croit, à tort, en raison de la mentalité colonialiste, que les conditions de vie dans le Nord sont mauvaises. L’accès aux antibiotiques fait finalement diminuer la gravité des cas, et l’hôpital Charles Camsell devient alors un établissement médical polyvalent pour les clients autochtones du Nord. Il fermera ses portes en 1996.

Un cairn s’élève au cimetière St. Albert pour se rappeler que des personnes du Nord y sont enterrées. Au cimetière Winterburn de la Première Nation Enoch, on peut lire sur un cairn que « des personnes d’aussi loin que les Territoires du Nord-Ouest » sont enterrés sur leurs terres ancestrales.