1946

Opération Muskox 

En 1946, l’armée canadienne ainsi que des observateurs et des conseillers britanniques et américains entreprennent de tester des véhicules et des équipements dernier cri dans des conditions hivernales extrêmes. Une odyssée de trois mois à travers la toundra leur permettra d’établir que la mécanisation doit être adaptée pour survivre dans le Nord.

Douze chenillettes partent ainsi de Churchill, au Manitoba. Le colonel John Wilson déclare : « Qu’elle aboutisse ou non, cette expédition attirera l’attention des Canadiens sur le Nord qu’ils négligent, sur les possibilités d’exploration et sur le rôle que les services peuvent jouer dans cette dernière ».

L’opération Muskox est un projet de grande envergure; l’Aviation royale canadienne doit réunir une flotte d’avions et des réserves de nourriture, de carburant et de pièces de rechange dans les bases aériennes situées sur la route.

Le convoi de chenillettes quitte Churchill le 15 février 1946 et se dirige vers Arviat en se déplaçant sur une glace de mer relativement lisse. L’étape suivante du voyage, la traversée du pays jusqu’à Baker Lake, s’avère beaucoup plus difficile. La route, choisie par les avions qui la survolent, est parsemée de rochers dissimulés qui endommagent les véhicules. Il faut attendre le 15 mars pour que le convoi atteigne Cambridge Bay, son point de passage le plus au nord.

En avril, l’expédition, alors à Kugluktuk, se dirige vers le sud pour atteindre le Grand lac de l’Ours, mais de larges crevasses s’ouvrent dans la glace du lac. Des véhicules passent au travers, et le bulldozer de Port Radium, une collectivité voisine, appelé pour leur venir en aide, traverse également la glace, provoquant la mort de son conducteur.

Le printemps rend les déplacements sur le terrain difficiles, particulièrement sur une route construite pour les tracteurs quelques années auparavant dans le cadre du projet CANOL dans la vallée du Mackenzie. Avec des températures dépassant le zéro degré Celsius, la route d’hiver se détériore rapidement et devient une longue tranchée boueuse dans laquelle il faut mener un véritable combat pour parcourir le moindre kilomètre. La piste conduit le convoi le long du fleuve Mackenzie et de la rivière Liard, au-delà de Fort Nelson et jusqu’à Dawson Creek. Les véhicules étaient en si mauvais état qu’ils ont dû être chargés sur des wagons ferroviaires et transportés jusqu’à Edmonton.

L’opération prouve qu’effectuer des opérations militaires dans les latitudes nordiques est un défi de taille. Pourtant, malgré les décès, les défaillances des machines et les obstacles environnementaux, l’opération Muskox est présentée comme un succès. Le 6 mai 1946, un défilé de la victoire a lieu sur l’avenue Jasper d’Edmonton. Un journaliste de l’Associated Press demande au lieutenant-colonel Baird, chef de l’expédition, si « cette expédition leur a permis de savoir si la région arctique du Canada est défendable? », ce à quoi il a répondu : « C’est une question à laquelle il est plutôt difficile de répondre; je pense que nous ferions mieux de ne pas y répondre. » L’exercice mène à l’installation de radars à longue portée (LORAN) dans les collectivités de l’Arctique et, par la suite, à la mise en place du réseau DEW, apportant ainsi une infrastructure militaire permanente dans le Nord.