1954

Le Réseau d’alerte avancé (Réseau DEW)

Le 15 février 1954, le président américain Eisenhower a signé une loi autorisant la construction du Réseau d’alerte avancé (Réseau DEW – Distant Early Warning Line), un réseau de 58 sites de radar et de communication s’étendant sur 5 000 kilomètres tout au Nord du continent nord-américain, de l’Alaska au Groenland. Produit de la guerre froide, le Réseau DEW a été conçu pour donner aux militaires américains et canadiens une alerte rapide en cas d’attaque de bombardiers ou de missiles soviétiques « par-dessus le pôle ». On estime que 25 000 personnes ont participé à la planification et à la construction du Réseau DEW. Il a fallu 460 000 tonnes de matériel, transporté par voie aérienne, terrestre, maritime ou fluviale dans l’Arctique, pour achever sa construction avant le 31 juillet 1957. Le Canada a d’abord été un partenaire silencieux, mais il a pris en charge la gestion et la dotation en personnel du Réseau DEW.

Outre les dômes radar et les tours de communication, chaque station était un environnement autonome doté de son propre service d’eau, de son propre système de chauffage, de ses propres routes et de ses propres aires de loisirs et de repos. À bien des égards, les sites canadiens ont servi de collectivités complètes et isolées, construites sur la côte arctique et peuplées de techniciens et de militaires du Sud.

L’introduction d’infrastructures de construction, d’aéroports et d’emplois salariés du sud a modifié les communautés inuites et gwich’in reliées aux sites choisis. La consultation concernant les sites de construction a été minimale, et le recours aux gens de la région pour l’emploi, irrégulier. Si la plupart des travailleurs pendant la phase de construction provenaient du sud, dans un rapport publié en 1958 par la Western Electric Corporation, le principal entrepreneur en construction a fait l’éloge des quelques Inuits qu’il employait. Selon le rapport, « plusieurs Esquimaux locaux ont rejoint les rangs des travailleurs du Réseau. Déconcertés au début par les machines et les méthodes de construction modernes, ils se sont cependant vite adaptés. Qu’il s’agisse de conduire des attelages de chiens ou des bulldozers, ils se sont montrés consciencieux et fiables ». Le rapport ne mentionne pas l’impact du Réseau DEW sur les populations locales ou l’environnement ni la responsabilité du gouvernement de prendre en compte les droits des Inuits et des Gwich’in sur leurs terres ancestrales.

En 1985, des travaux ont été entrepris pour améliorer le Réseau DEW et le transformer en l’actuel Système d’alerte du Nord. La plupart des sites sont gérés à distance par des stations centralisées, dont l’une se trouve toujours à Inuvik.

Le gouvernement canadien a entrepris les travaux d’assainissement considérables nécessaires à la mise hors service de 21 sites pour en éliminer les substances toxiques, ce qui a pris 15 ans et a coûté 575 millions de dollars aux contribuables.