1973

Naissance des revendications territoriales autochtones

Le Traité 8 (1899) et le Traité 11 (1921) sont les traités historiques conclus entre les Dénés et la Couronne, au nom du gouvernement du Canada, qui couvrent la majorité des terres des Territoires du Nord-Ouest (TNO) actuels. À la suite des négociations et de la signature de ces traités, les désaccords quant à leur interprétation et leur visée ont conduit les peuples dénés des TNO à mener des actes de résistance contre le gouvernement du Canada.

Les traités précisent que les Dénés « par le présent cèdent, abandonnent, remettent et rendent au gouvernement du Dominion du Canada pour Sa Majesté le Roi et ses successeurs à tout jamais, tous droits, titres et privilèges quelconques » des terres et de ses ressources. Les Dénés prétendent que, au moment de la signature, on a dit aux chefs, qui ne pouvaient ni lire ni écrire en anglais, que les traités n’étaient qu’un simple témoignage d’amitié et de paix, donc qu’il n’était pas question de vendre ou de donner leurs terres, et également que leurs droits de chasse et de pêche subsisteraient « tant que le soleil brillera et que la rivière coulera ».

En 1969, les Dénés, en vue de défendre leurs droits et de reprendre le contrôle sur les terres qu’ils habitent depuis des milliers d’années, créent un organisme appelé la Fraternité des Indiens des Territoires du Nord-Ouest. Quelques années plus tard, celui-ci est renommé la Nation dénée.

Le 24 mars 1973, seize chefs dénés, formant l’élément central de la Fraternité des Indiens, tentent de présenter une notification d’opposition auprès du Bureau des titres de bien-fonds du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, afin de faire valoir, au nom de leurs droits autochtones, leur intérêt juridique sur des terres publiques représentant plus d’un million de kilomètres carrés, soit presque la totalité des Territoires du Nord-Ouest actuels. C’est le chef François Paulette, de la Première Nation de Smith’s Landing, qui signe de son nom cette notification d’opposition. Le registraire des titres de biens-fonds la refuse, car elle aurait bloqué tous les transferts de terres ainsi que l’exploitation industrielle des Territoires du Nord-Ouest. La question de la validité juridique de la notification d’opposition fait ensuite l’objet d’un renvoi devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest afin que celle-ci prenne une décision.

Le juge William G. Morrow de la Cour suprême entreprend l’instruction de l’affaire le 15 mai 1973. Pour ce faire, le juge Morrow choisit une démarche unique pour entendre les témoignages. Son tribunal se rend dans toutes les collectivités de la région revendiquée et entend les témoignages oraux directement des aînés dénés, dont certains étaient présents au moment de la signature du Traité 11 et se rappellent les négociations relatives à la conclusion de ce traité.

Le problème est de savoir si les chefs signataires des Traités 8 et 11 (ou les Dénés qu’ils représentaient) savaient ou non qu’ils cédaient leurs « droits de propriété » sur ces terres. La plupart des témoins déclarent sans hésiter que le problème de la propriété des terres n’avait pas été soulevé pendant les négociations du traité. Les discussions avaient principalement porté sur les droits de chasse et de pêche, ainsi que sur le partage pacifique des terres et des ressources.

Le 6 septembre 1973, le juge Morrow constate que les Dénés « sont, à première vue, les propriétaires des terres comprises dans la notification d’opposition et qu’ils ont ce que l’on appelle les droits des Autochtones ». Il déclare également que « malgré la langue dans laquelle les deux traités sont écrits, il subsiste un doute suffisant quant aux faits concernant l’annulation du titre ancestral pour permettre aux opposants de présenter une telle demande ».

Les seize chefs, et les Dénés qu’ils représentent, gagnent leur cause, mais la victoire est de courte durée. La décision du juge Morrow quant à l’autorisation d’instaurer une notification d’opposition sur une superficie d’un million de kilomètres carrés de terres aux Territoires du Nord-Ouest est annulée par suite d’un appel auprès d’une cour supérieure. Toutefois, cette cour supérieure ne conteste pas la décision que les Dénés ont les « droits des Autochtones » sur les terres.

Après cette quasi-victoire, il devient évident que les droits fonciers des Autochtones aux Territoires du Nord-Ouest ont besoin d’être éclaircis. En 1976, le gouvernement du Canada, la Nation dénée et l’Association des Métis des Territoires du Nord‑Ouest acceptent d’entreprendre des négociations afin de conclure une entente sur la revendication territoriale globale.

De 1981 à 1988, après sept ans de réunions, on finit par conclure une entente de principe (EP), dont un des éléments est un point de friction important. Le gouvernement du Canada insiste pour que la revendication territoriale globale des Dénés et des Métis comprenne une clause d’abandon des titres ancestraux sur les terres. Les délégués présents à l’assemblée générale annuelle des Dénés et des Métis de 1990 rejettent les modalités de cette entente.

Avec l’effondrement d’une unique revendication territoriale, qui aurait englobé tous les Territoires du Nord-Ouest, le processus de revendication se fait par région. On réussit à signer des ententes sur des revendications territoriales avec les Inuvialuits (1984), les Gwich’ins (1992) et les Dénés et les Métis du Sahtu (1994). Quant aux Tłı̨chǫ, ils y font ajouter des modalités sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale (2002). Des négociations sont en cours avec les Premières nations dénées d’Akaitcho, les Premières nations du Dehcho et la Nation des Métis des Territoires du Nord-Ouest.