1838

Le procès de Baptiste Cadien

En 1835, un conflit inhabituel a éclaté dans le petit poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) de Fort Norman (près de l’actuelle Tulita). Des responsables de la CBH ont consigné dans le journal de bord du poste que « les employés de cet établissement [sont tombés] sur un groupe d’Indiens dont ils ont tué 12 individus : trois hommes, une femme et huit enfants, ce qui place l’établissement dans une situation des plus alarmantes et dangereuses. »

Le drame se serait déroulé à sept jours du fort où Baptiste Cadien, un interprète métis, avait incité au meurtre de tout le village déné. Baptiste Jourdain, l’un des commerçants de la CBH qui avait accompagné Cadien, et un homme nommé Lagraisse en ont été les témoins. Le motif des meurtres n’était pas connu de Jourdain, car il ne parlait pas la langue des Dénés, mais dans sa déclaration sous serment, Jourdain a affirmé que Cadien avait exprimé son intention de faire du mal aux Dénés parce qu’il pensait qu’ils lui voulaient aussi du mal. Lagraisse a participé au massacre avec Cadien, tandis que Jourdain a essayé de les arrêter.

À leur retour à Fort Norman, Cadien est appréhendé et placé en état d’arrestation. En raison de son héritage mixte (son père étant Canadien), on pensait que Cadien pouvait être jugé selon les lois de l’Empire britannique. En 1838, il est amené à Trois-Rivières, au Québec, après avoir parcouru plus de 6 000 km sur des voies navigables complexes pour subir son procès. Le 16 mars, Cadien est reconnu coupable de meurtre et condamné « à être pendu par le cou jusqu’à ce que son corps soit mort ».

Par la suite, une requête juridique a fait valoir que la Cour du Roi n’était pas compétente dans cette affaire en raison d’une incertitude quant au lieu exact du crime. En outre, la pétition note qu’en raison de ses racines autochtones, Cadien n’est pas un sujet britannique. L’avocat a fait valoir que Cadien avait agi en état de légitime défense et que le témoignage de Jourdain n’était ni suffisant ni crédible. Les détails de l’affaire judiciaire, y compris les appels, les requêtes et les lettres, ont été imprimés et publiés dans une plaquette intitulée Case of Baptiste Cadien for Murder.

La sentence d’exécution a été suspendue, mais pas annulée. Au lieu de cela, Baptiste Cadien a été condamné à la « transportation » pour passer le reste de sa vie dans une colonie pénitentiaire australienne. Incarcéré sur un navire-prison insalubre et surpeuplé qui mouillait en Angleterre, il est mort d’une maladie inconnue. Cette triste affaire illustre la complexité de la juridiction britannique sur des terres qu’elle ne contrôlait pas et l’habitude des commerçants de fourrures d’invoquer la « justice à distance » sur des personnes sur lesquelles ils n’avaient aucune autorité.