1968

Les protestations à l’époque de la signature du Traité

L’année 1967 marque le 100e anniversaire de la création du Dominion du Canada, mais aussi la première traduction en langues dénées des versions écrites des Traités nos 8 et 11. Les peuples dénés sont stupéfaits quand ils en apprennent la teneur : le peu de terres promises à titre de réserves, l’insistance du gouvernement canadien quant au fait que les traités signifient la fin des droits fonciers des Autochtones et le refus du peuple tłı̨chǫ d’accepter le Traité no 11 tel quel sont autant d’éléments qui contribuent à inspirer le mouvement de protestation de 1968 contre le dernier traité numéroté.

Retour en 1921. Alors âgé de 40 ans, le chef Jimmy Bruneau assiste à la signature du Traité no 11 par son oncle Mǫwhì. Celui-ci, alors qu’il s’y opposait au début, finit par croire que le gouvernement colonial répond aux demandes visant à protéger les Tłı̨chǫ. À la mort de Mǫwhì en 1936, Jimmy Bruneau est désigné chef par les membres de sa collectivité, qui estiment que ses compétences et son savoir aideront à maintenir les droits obtenus en vertu du Traité signé en 1921. Au contraire, le chef Bruneau voit s’évaporer ces droits et le mode de vie traditionnel sur les terres tłı̨chǫ, sous l’influence coercitive du gouvernement canadien. Il prend alors la tête des manifestations organisées en 1968 contre le Traité et refuse de participer aux activités habituelles liées à celui-ci. Conscient que le peuple tłı̨chǫ avait signé un traité de paix et n’avait pas renoncé à ses droits fonciers, il s’offusque de l’empiètement progressif des systèmes gouvernementaux, qui cherchent à décider de la place de la collectivité et des droits accordés aux Autochtones.

Ce message fort envoyé à la population dénée est peut-être ce qui a incité la génération suivante à défendre ses droits et à se dresser contre le gouvernement canadien. La résistance du peuple tłı̨chǫ installé à Behchokǫ̀, portée par le chef de 86 ans, s’inscrit dans la lignée d’un mouvement de contestation au sein des collectivités dénées, qui s’opposent depuis longtemps à l’irrespect dont elles sont victimes dans le cadre des relations coloniales avec le Canada. Les Dénés et les Inuvialuits fondent le Comité d’étude des droits des autochtones (CEDA) ainsi que la Fraternité des Indiens des Territoires du Nord-Ouest, afin de continuer à exiger des solutions de la part du gouvernement du Canada, compte tenu des préoccupations grandissantes au sujet du Traité.

Le leadership du chef Jimmy Bruneau va bien au-delà desdites préoccupations. Il insiste sur la nécessité de bâtir, à Behchokǫ̀, une école capable d’enseigner les langues et les coutumes dénées. Le 9 janvier 1972, le jour de l’inauguration de l’école, il prononce le discours suivant :

« J’ai écouté mes aînés, tels Mǫwhì. J’ai écouté leur façon de parler. J’ai écouté leur vision et c’est selon celle-ci que je m’exprime aujourd’hui. J’ai demandé à ce qu’une école soit construite sur mes terres, que cette école soit dirigée par mon peuple; ce sont les miens qui travailleront dans cette école et nos enfants apprendront les deux cultures, la nôtre et celle de l’homme blanc. »

Le chef Jimmy Bruneau décède en 1975. On se souvient aujourd’hui de ses compétences, de son savoir et de sa sagesse.